Philippine Barbou

L’épuisement du dessin
La création comme processus répétitif.
Ma pratique est essentiellement basée sur le dessin.
À l’origine, une série de dessins intitulée « le Bestiaire ».
Il ne s’agissait pas d’établir un archétype universel et figé, mais plutôt une référence mouvante, un vocabulaire formel qui s’élabore sur la variation de lignes, de pleins et de vides jusqu’à son épuisement.
C’est une forme en métamorphose qui pose la base de la reproduction des images. Mon travail s’inscrit donc dans la logique de la répétition d’un geste.
Ma production qui s’apparente au mouvement COBRA par sa spontanéité, son caractère animal, et son intensité colorée, se déplace par le biais de l’édition dans une abstraction et une lenteur proche de l’œuvre répétitif de Pierrette Bloch. De manière plus contemporaine, mon travail ferait aussi  écho à la pièce « J’use mon bic » produite en 2001 par Olivier Michel où il interroge la valeur d’un geste automatique lié à un objet industriel poussé à l’absurde et au non sens.
Dans mon travail ce geste machiniste fait aussi référence à un mouvement dépersonnalisé et aliénant de l’ouvrier dont les mouvements, régulés et établis, sont justifiés par les cadences nécessaires pour répondre à un rendement imposé dans une entreprise.
Suite à la série du Bestiaire, les procédés de reproduction d’image de type gravure et sérigraphie prennent l’autorité sur ma pratique du dessin.
Le dessin devient alors motif.
Le principe de la répétition se déplace ici du geste créatif à un geste technique relatif à la machine, me permettant de produire une sérigraphie à tirage unique, et d’inscrire mon travail dans un nouveau temps de production, la Lenteur.
En effet, comment établir une production artistique avec l’aide de machines industrielles dans une société ou la production, la consommation et le renouvellement d’image est de plus en plus rapide.
Est alors remise en question la fonction initiale de rendement et d’efficacité des outils de reproduction d’images.
Ma pratique du multiple vient interroger la nécessité d’imprimer des images en séries lorsque la matrice induit le fait de pouvoir reproduire à l’infini.
La matrice s’assimile à un principe d’épuisement de l’image et devient une pièce à par entière, celle ci étant unique et potentiellement multiple.