Arthur Zerktouni

L’écho du silence
Errances dans l’espace sonore
Le Son a une place à part dans le domaine des arts plastiques. De par sa nature « non-visuelle », bien sûr, qui le différencie de la peinture ou de la sculpture, mais aussi par son aspect continuel qui, à la différence de la vidéo, n’admet pas d’arrêts sur image, d’arrêts sur son. Le son est à concevoir dans une globalité où se mêlent passé, présent et futur.
Ce médium de la nuit qui, comme le disait Nietzsche, réveille en nous les peurs et les angoisses d’une humanité primitive, ne connaît pas de limites spatiales fixes. Le son se propage  : impossible de fermer les oreilles, il entre en nous et résonne de l’intérieur. Sans cesse en alerte, le corps et l’esprit sont prêts à recevoir la moindre impulsion sonore. En effet, on « reçoit » le son : dans une multitude de mouvements ondulés, il s’impose à l’auditeur.
Dans la mythologie grecque, la nymphe Echo a été exilée dans une caverne pour avoir trop courtisé Zeus : condamnée par Héra à ne pouvoir que répéter ce qu’elle entend, elle a ainsi été paradoxalement réduite au silence. Echo est pour moi une figure emblématique du domaine sonore car elle matérialise le phénomène de la propagation du son : enfermée dans une caverne, elle se déplace pourtant de montagne en montagne ; née du bruit elle s’épuise dans le silence ; elle est tout le temps jamais, partout nulle part.
Ainsi, la diffusion de mes compositions, qui se fait par le biais de séances d’écoute collective, de performances et d’installations, se présente le plus souvent comme une sphère englobante positionnant l’auditeur au centre d’un échange perpétuel d’échos. Il résulte de ces bercements une certaine sérénité mais aussi, paradoxalement, une angoisse latente, une « inquiétante étrangeté ». Alors que l’oreille ne fait plus la différence entre l’ambiance sonore et ses propres émissions auto-acoustiques, l’esprit plonge dans des hallucinations hypnagogiques. Écho se fait silence.
Je conçois donc mon travail comme une expérience physique et psychique proche de l’induction hypnotique. J’organise l’espace de ces expérimentations à l’aide de faibles lueurs qui agissent à la manière de persistantes rétiniennes, mais c’est avant tout la spatialisation sonore qui me permet de redéfinir les limites du lieu de diffusion.